0-1

L’aspiration des forces artistiques à diriger l’art sur la voie de la raison aboutissait au zéro de la création.  Même chez les individus les plus puissants les formes réelles ont l’aspect de la laideur.

La laideur a été poussée chez les plus puissants presque jusqu’au moment de disparition, sans sortir du cadre du zéro.

Mais je me suis transfiguré dans le zéro des formes et suis allé au-dejà au 0-1. Considérant que le cubo-futurisme a rempli ses tâches, je passe au suprématisme, au nouveau réalisme pictural, à la création non-figurative.

Je parlerai en son temps du Suprématisme, de la peinture, de la sculpture et de la dynamique des masses musicales. 

Juin 1915

Moscou.  

Kasimir Malévitch, Du Cubisme et du Futurisme Le nouveau réalisme pictural, 1916, De Cezanne au Suprématisme, L’age d’homme, 1974, p. 43.

Kasimir Malévitch, Circle noir, 1913.

andreicoscodan:

Black Circle / Kazimir Malevich

rejetez

Je dit à tous : rejetez l’amour, rejetez l’esthétisme, rejetez les valises de la sagesse, car dans la nouvelle culture votre sagesse est ridicule et insignifiante.

J’ai dénoué les nœuds de la sagesse et libéré la conscience de la couleur.

Enlevez-vous au plus vite la peau épaissie des siècles afin qu’il vous soit plus facile de nous rattraper.

J’ai surmonté l’impossible et j’ai fait des abîmes avec mon souffle.

Vous êtes dans les filets de l’horizon comme des poissons !

Nous, suprématistes, nous vous lançons une route.

Dépêchez-vous !

Car demain vous ne nous reconnaîtrez pas.

K. Malévitch.

1915. Moscou. 

Kasimir Malévitch, Du Cubisme et du Futurisme Le nouveau réalisme pictural, 1916, De Cezanne au Suprématisme, L’age d’homme, 1974, pp. 69-70.

Kasimir Malévitch, Croix noire, Huile sur toile, 80 x 80 cm, 1915, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, via terresdefemmes.blogs.com

futuriste

Les cubo-futuristes ont rassemblé tous les objets sur la place publique, les ont cassés, mais ne les ont pas brûlés. Dommage !

Ils ont fait sortir la peinture des magasin de mode, des merceries, des boutiques de produits manufacturés et des parfumeries et notre siècle de machines et de béton armé l’a habillée.

Les futuristes ont été frappés par la force extraordinaire des objet qui passent à toute vitesse, par leur succession rapide et il se sont mis à chercher la manière de rendre l’état contemporain de la vie.

Quant à la construction du tableau elle surgissait de la découverte sur sa surface de points où la position des objets réels, lors de leur rupture ou de leur rencontre, aurait donné le temps de la vitesse maximale. La découverte de ces points peut être faite de façon arbitraire, indépendamment de la loi physique du naturel et de la perspective.

C’est pourquoi nous voyons dans les tableaux futuristes l’apparition de la fumée, des nuées, du ciel, des chevaux, des automobiles et d’autres objets dans des positions ne correspondant pas à la nature.

Et l’état des objets est devenu plus important que leur essence et leur sens.

Kasimir Malévitch, Des nouveaux systèmes dans l’art, 1919, De Cezanne au Suprématisme, L’age d’homme, 1974, p. 39.

Kasimir Malevitch, Aéroplane, 1915, via renovezmaintenant67.eu

beauté

Nous nous écrions : « Comme la nature est belle ! » Mais pourquoi est-elle belle ? Est-ce que la fleur serait belle s’il n’y avait pas à côté d’elle d’autre forme et si en elle-même il n’y avait pas des variétés de construction ? Non. La beauté et le Beau sont provoqués parce que la nature est composée de signes variés. Nous disons : « C’est un paysage merveilleux » ; nous disons cela parce que l’on voit l’horizon dans la profondeur du lointain, couvert d’un bleu au travers duquel apparaissent des montagnes, des forêts, des lointains, que, en bas, au milieu des prairies, court une rivière, que sur elle glissent des barques, des embarcations, que dans un pré s’avancent des gens qui se sont épanouis en habits colorés et que nous nous tenons sur une montagne et regardons le lointain, les vallées et le tableau visible provoque un acte d’esthétique et nous nous écrions : « Comme c’est joli, comme c’est beau ». 

Kasimir Malévitch, Des nouveaux systèmes dans l’art, 1919, De Cezanne au Suprématisme, L’age d’homme, 1974, pp. 81.

Kasimir Malévitch, Suprématisme n° 58 (Jaune et noir), 1916, via peiresc.org

David

David de Michel-Ange, quelle monstruosité : 

Sa tête et son torse semblent un collage de deux formes opposées. Une tête fantastique et un torse réel.

Tous les maîtres de la Renaissance ont obtenu de grands résultats en anatomie.

Mais ils n’ont pas obtenu la véracité de l’impression du corps.

Leur peinture ne rend pas les corps et leurs paysages ne rendent pas la lumière vivante, malgré le fait que dans les corps de leurs personnages apparaissent des veines bleutées.

L’art naturaliste est une idée de sauvage, l’aspiration à rendre le visible, mais non la création d’une forme nouvelle.

La volonté créatrice du sauvage était embryonnaire, mais ses impressions étaient plus développées, ce qui a été la cause de la reproduction du réel. 

Kasimir Malévitch, Du Cubisme et du Futurisme Le nouveau réalisme pictural, 1916, De Cezanne au Suprématisme, L’age d’homme, 1974, pp. 53-54.

Kasimir Malévitch, Autoportrait, 1915, via renovezmaintenant67.eu