Archive for avril 2012

monde

avril 21, 2012

Nietzsche s’exprime encore autrement : « Le monde : l’infini de l’interprétation (le déploiement d’une désignation à l’infini). » D’où l’obligation d’interpréter. Mais qui donc interprétera ? Est-ce l’homme ? Et quelle sorte d’homme ? Nietzsche répond : « On n’a pas le droit de demander : « qui donc est-ce qui interprète ? » L’interpréter même, forme de la volonté de puissance, voilà ce qui a l’existence (non comme « être », mais comme « processus », comme « devenir ») en tant que passion*. » Fragment riche d’énigmes. On peut l’entendre – et cela arrive à Nietzsche – comme si la philosophie devait être philosophie de l’interprétation. Le monde est à interpréter, l’interprétation est multiple.

Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Gallimard, 1969, pp. 245-246.

*Il dit ailleurs : « La volonté de puissance interprète », mais la volonté de Puissance ne saurait être sujet.

avril 21, 2012

Friedrich Nietzsche, Photograph from the series « Der kranke Nietzsche » by Hans Olde, between June and August 1899, via wikipedia

exister

avril 13, 2012

Pourrions-nous penser aujourd’hui qui nous sommes et où nous en sommes sans impliquer l’idée d’une existence qui se développerait par delà le bien le mal ? Sommes-nous pour autant fondés à admettre toute existence possible ? Le propos nietzschéen auquel ces propositions font référence n’a jamais été d’encourager l’absence de tout discernement. Si vivre, selon Nietzsche, ce n’est pas se soumettre à un devoir (c’est-à-dire vivre d’une vie qui ne se demanderait pas comment vivre, la réponse étant obligée, c’est-à-dire donné d’avance), ce n’est pas pour autant tout accepter. Il n’est pas d’existence digne de ce nom qui puisse se passer de préférer d’un côté et de refuser de l’autre. Vivre, pour Nietzsche (je dirai aussi volontier exister), c’est pouvoir préférer et refuser. Et donc distinguer, faire des différences (le moindre refus implique en effet du discernement : on ne peut rien refuser dans l’indistinction et l’indifférence).

Ne pas être tenu à une condition donnée, ne pas être obligé à un mode de vie déterminé, c’est exister. Le problème est de comprendre comment ce détachement foncier de l’existence par rapport à a condition se lie à l’exercice d’un discernement, c’est-à-dire à la possibilité de préférer et de refuser.

Pierre-Damien Huyghe, « Exposer ou exploiter l’art », in Le jeu de l’exposition, sous la direction de Jean-Louis Déotte, Pierre-Damien Huyghe, Paris, Harmattan, 1998, p. 105.

texte

avril 10, 2012

Tous les textes sont différents. Il faut essayer de ne jamais les soumettre à « une même mesure ». Ne jamais les lire « du même œil ». Chaque texte appelle, si on peut dire, un autre « œil ». Certes, dans une certaine mesure, il répond aussi à une attente codée, déterminée, à un œil et à une oreille qui le précèdent et le dictent, en quelque sorte, ou l’orientent. Mais pour certains textes rares, l’écriture tend aussi, pourrait-on dire, à dessiner la structure et la physiologie d’un œil qui n’existe pas encore et auquel l’événement du texte se destine, pour lequel il invente parfois sa destination, autant qu’il se règle sur elle. À qui un texte s’adresse-t-il ? Jusqu’à quel point cela peut-il se déterminer, du côté de l’« auteur » ou du côté des « lecteurs » ? Pourquoi un certain « jeu » reste-t-il irréductible et même indispensable dans cette détermination même ? Questions aussi historiques, sociales, institutionnelles, politiques.

Jacques Derrida, Elisabeth Weber, Points de suspension, Paris, Galilée, 1992, p. 230.

avril 7, 2012

chikuwaq:

Michel Foucault, par Gérard Fromanger.

traduction

avril 1, 2012

Nous sommes alors, par la traduction, à cheval sur des frontières. Ces approches complémentaires pourraient être autant d’atouts pour sortir de l’impasse épistémologique et de la crise cognitive dans laquelle se trouve la planète après que les conséquences de la fin de la Guerre froide aient convergé avec les effets à retardement de la décolonisation, le tout résultant en une arrogance de l’Occident conjuguée avec l’humiliation historique en face et les actes terroristes qui on déclenché l’hystérie anti-terroriste et sécuritaire globale. Peut-on entendre, dans ce tintamarre des armes, le silence de la plèbe* ? Celui des anciens colonisés ? Celui des décolonisés qui, maintenant, se tournent vers des projets alternatifs (Aihwa Ong) sans vouloir s’enfoncer dans la nostalgie (post) coloniale ou d’une réaction à elle ? La dépolitisation et la désémantisation font partie de l’effort d’éliminer, avant même toute manifestation du politique, toute concurrence dans la sphère du pouvoir.

Rad Ivekovic, Traduire les frontières. Langue maternelle et langue nationale, 2008, via resaue-terra.eu

* R. Ivekovic, “Les paradigmes postcoloniaux par la langue”, in Marie-Claude Smouts, La situation postcoloniale, Paris, Les Presses de Sciences Po 2007, pp. 352-357 ; -« Resisting Absolute Translation. For Politics of Culture », in Culture & Politics : Summer Research University in Chilhac, 2-8 September 2007, Taipei-Chilhac, pp. 21-26 ; -« Résister à la traduction absolue comme le rhinocéros »/Resisting absolute translation like the rhinoceros », Livraison n° 8, été 2007 (sans numérotation de pages) ; -« Langue coloniale, langue globale, langue locale », in Rue Descartes n° 58, 2007, pp. 26-36 ; -« Traduire la violence de la plèbe/ Translating violence », sous la dir. de R. Ivekovic (articles par Rita Kothari, Anna Nadotti, Dongchao Min, Joyce Liu, Jon Solomon, Sandro Mezzadra), http://www.eipcp.net http://translate.eipcp.net/transver…, novembre 2007 ; -« Une Europe des mondes multiples », Cahiers critiqwww.eipcp.net http://translate.eipcp.net/transver…, novembre 2007 ; -« Une Europe des mondes multiples », Cahiers critiques de philosophie n° 5, 2007, p. 2007, pp. 107-125.