Archive for Mai 2012

Mai 31, 2012

Ernest Pignon-Ernest, La mort de la Vierge, Dessin à la pierre noire inspiré de Caravage, collé à Spacca Napoli, 1990, via pignon-ernest.com

réalité intensifiée

Mai 31, 2012

Le choix délibéré de l’éphémère, depuis les futuristes et les dadaïstes, s’est souvent accompagné d’un refus explicite de l’œuvre. Mais il n’est pas certain, là encore, que cette notion s’en trouve fondamentalement affectée : on peut fort bien accorder le statut d’œuvre aux architectures éphémères de certaines cérémonies ou fêtes anciennes (ou récentes), de même évidemment qu’aux décors et aux mises en scène de théâtre d’hier et d’aujourd’hui. Quand Ernest Pignon-Ernest sur les murs des rues de Naples, en 1990, l’image de la Mort de la Vierge de Caravage, il sait qu’elle disparaîtra plus ou moins vite ; mais son intention est justement de provoquer l’intention de cette image avec le temps et l’espace où elle s’insère et de faire en sorte que l’œuvre soit précisément cet ensemble complexe, cette « réalité intensifiée ».

Jean Galard, « L’art sans œuvre », in L’œuvre d’art totale, Paris, Musée du Louvre / Gallimard, 2003, p. 166.

Mai 31, 2012

Baldassare Peruzzi, Danse des muses avec Apollon, huile et or sur bois, 35,3 x 78,7 cm, Florence, Palazzo Pitti, via unique-poster

désœuvré

Mai 31, 2012

Le musée, tel qu’il s’institue au XVIIIe siècle, est-il le véritable accomplissement de l’œuvre d’art totale ? On pourrait le penser, non seulement en constatant aujourd’hui son expansion, sa tendance à tout absorber, mais en se souvenant que son instauration déjà répondait à une intention encyclopédique. En réalité, les musées ont pris, pendant deux siècle, l’aspect maussade de dépôts encombrés d’œuvres. Les trois dernières décennies ont été marquées par une transformation spectaculaire de l’institution muséale. Mais, si l’on fait abstraction de cette période récente, on ne peut qu’être frappé par le contraste entre l’impression que donne l’assemblée des muses et celle qu’impose le rassemblement des objets de musée. Ici, des œuvres accumulées sans art ; là, des arts qui dansent, désœuvrés.

Jean Galard, « L’art sans œuvre », in L’œuvre d’art totale, Paris, Musée du Louvre / Gallimard, 2003, pp. 162-163.

Mai 26, 2012

Lisbeth Gruwez, Jan Fabre, Quando l’uomo principale è una donna, Biennale de Lyon en 2004.

objet

Mai 26, 2012

L’objet, dans son expression première, était confronté à une dimension qui lui accordait à la fois son lieu et son espace de jeu : Klein pense d’emblée au culte, au rituel, à la liturgie, mais aussi à la provocation artistique, social, politique des dadaïstes — et ce qui lui permet de rapprocher ces exemples aussi éloignés par ailleurs tient à ce mot qu’il emploie finalement : un « geste ». L’objet était geste, à la fois mouvement, signe et mimique, mais le musée le fige, le fixe en une attitude désormais arrêtée : son sourire maintenant sera inéluctablement « toujours le même ». L’unicité du lieu où l’objet est recueilli signifie aussi une univocité temporelle, une uni-temporalité. On passe d’une première façon d’être selon laquelle l’œuvre, dans son immanence de chose livrée au temps des choses, renvoyait cependant simultanément à un autre temps et à une autre chose, vibrait si l’on peut dire de cette différence des temps et des chose — à une situation, à une institution dans laquelle son mode d’être est l’immutabilité.

Daniel Payot, « Événement, parodie, présence : le musée et l’exposition », in Le jeu de l’exposition, sous la direction de Jean-Louis Déotte, Pierre-Damien Huyghe, Paris, Harmattan, 1998, p. 66.

Mai 25, 2012

Sigalit Landau, Barbed Hula, 2000.

réalité

Mai 21, 2012

Pour atteindre la délivrance, il faut croire que tout est réel, ou alors que rien ne l’est. Mais nous ne distinguons que des degrés de réalité, les choses nous paraissant plus ou moins vraies, plus ou moins existantes. Et c’est ainsi que nous ne savons jamais où nous en sommes.

Emil Cioran, Aveux et anathèmes, Paris, Gallimard, 1987, p. 86.

Mai 21, 2012

ericpenington:

Gerhard Richter, Mother and Child, oil on canvas, 1995.

montrabilité

Mai 21, 2012

En confondant l’objet et le sujet de la représentation (en intégrant le regard à sa composition), la peinture se voyait emportée par une logique paradoxale : remettre en cause l’habituel partage qui s’établit généralement de part et d’autre de la toile : imposer entre le regard du peintre et celui du spectateur – comme au théâtre, entre l’« espace de la scène » et « le lieu de l’action » – une solution de continuité. « Dans ce domaine », écrit Robert Klein « les deux partis opposés s’affrontent sur la question du rapport entre l’espace fictif et l’espace du spectateur. Plus la continuité est parfait, plus la perspective devient un facteur d’illusion dramatique bien plutôt qu’un facteur de composition formelle*. » On peut naturellement soupçonner qu’en commençant à s’intéresser non seulement aux choses mais à leur condition de visibilité (ou de « montrabilité »), la modernité rencontrera elle aussi ce genre d’hésitations entre ce qui serait d’une part le Réel et d’autre part sa fiction. Dès lors qu’elle confondra dans un même geste et l’objet et le sujet de sa présentation, elle retrouvera ce « quelque chose » que Freud, en le considérant comme « indéfinissable », choisissait d’appeler une « absence », mais que pour notre part, en en faisant le signe d’une essentielle discrétion, nous préférerons évoquer comme l’un de ces grands fonds, où viendrait se perdre, et se confondre la loi de l’objectivité.

Simon de Cosi, « Passif de la modernité », in Feux pâles, Catalogue de l’exposition, capc-musée d’art contemporain, Bordeaux, 1990, pp. 85-86.

* Cf. Robert Klein, op. cit. p. 275.