Posts Tagged ‘tête’

intention

septembre 7, 2012

La notion de privé et de langages privés étant ce sur quoi ces artistes se distinguent de l’art minimal / post-minimal, il est important d’explorer les diverses formes passés et présentes du langage privé et de comprendre leurs implications. L’une d’entre elles concerne la notion d’intention*.
Rosalin Krauss, L’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Traduction par Jean-Pierre Criqui, Macula, Paris, 1993, The M. I. T. Press, Cambridge, Mass, 1985.
* En anglais, dans la théorie de l’art, le mot « intention » renvoie à l’idée d’un vouloir dire : l’œuvre pourrait être entièrement pensée avant d’être réalisée dans l’objet, cette conception d’une œuvre déjà là dans la tête avant son exécution caractérise toute l’esthétique classique ; elle se dit en français : « projection » (cf. le mot de Racine : « Ma pièce est faite, je n’ai plus qu’à l’écrire. »). (N. d. T.)

dernier tabou

août 21, 2012

Avant Courbet, une peinture était appréciée et jugée selon sans conformité aux normes et aux conventions en vigueur. Les critères esthétique étaient indissociables des règles sociales, morales, voire religieuses, constituant une sorte de pacte intangible entre l’artiste et le public — et « monde de l’art » de l’époque.
L’Origine du monde brise ce pacte. Un tel tableau ose l’affrontement, non pas avec la représentation — ici figurative et réaliste — mais avec les règles qui, jusqu’alors, déterminaient les critères d’évaluation. Manet déjà s’y était risqué avec Olympia et Le Déjeuner sur l’herbe. Courbet transgresse de façon irréversible le dernier tabou. Au-delà de la fascination qu’exercent les hanches et le sein de la femme troquée, sans tête, ni bras, ni jambe, ce sont bien les normes qui se trouvent mises en cause, celles-là mêmes qui autorisent la mise au jour d’un tableau que leur stricte observance aurait dû normalement interdire.
Marc Jimenez, La querelle de l’art contemporain, Gallimard, Paris, 2005. pp. 51-52.

juillet 19, 2012

someghostsarewomen:

La fleur du marecage, une tête humaine et triste (Flower of the swamp, a head human and sad), by Odilon Redon, 1885

marcher

juillet 15, 2012

Un rythme, une posture et un maintien singuliers du corps comme de la pensée, assurément, Walter Benjamin portait cela en lui, au plus intime de son être. Pour Gershom Scholem, « son maintien avait ceci de particulier qu’il se tenait presque toujours légèrement incliné en avant ; je crois que je ne l’ai jamais vu se tenir droit, la tête haute. Sa démarche était très caractéristique : elle était lente et comme tâtonnante […]. Il n’aimait pas marcher vite ; ainsi […], il était quelque peu difficile de marcher à ses côtés et à son rythme. Très fréquemment, il s’arrêtait tout en continuant à parler. De dos, on le reconnaissait à sa démarche, et cette particularité très caractéristique allait devenir encore plus marquée au fil des années »*. Pierre Klossowski, s’il mentionne aussi les props de Georges Bataille pour qui Walter Benjamin cachait, « sous des dehors figés, rigides, autoritaires, une âme d’ange, car c’était vraiment un individu angélique », note à son tour combien « sa démarche était d’un paralytique, sa gesticulation carrée »**.

Jean-Michel Palmier, Walter Benjamin le chiffonnier, l’ange et le petit bossu, Klincksieck, Paris, 2006, pp. 186-187.

* Gershom Scholem, Walter Benjamin Histoire d’un amitié, pp. 17-18.

** Jean-Maurice Monnoyer, Le Peintre et son démon. Entretiens avec Pierre Klossowski, Paris, Flammarion, 1985, pp. 186-187.

juillet 2, 2012

André Disdéri, Supplicies (Heads of executed men), Carte de visite, 1850, via theslideprojector

juin 6, 2012

coolcyclecrew:

Pablo Picasso

Tête de taureau / Bull Head
Paris, printemps 1942

Selle en cuir et guidon en métal/ Leather saddle and metal handlebars

rr

Jésus superstar

janvier 28, 2012

Les organisations de pouvoir du chaman, du guerrier, du chasseur, fragiles et précaires, sont d’autant plus spirituelles qu’elles passent par la corporéité, l’animalité, la végétabilité. Quand nous disions que la tête humaine appartient encore à la strate d’organisme, évidemment nous disions seulement que les codes de ces cultures et de ces sociétés portent sur les corps, sur l’appartenance des têtes aux corps, sur l’aptitude du système corps-tête à devenir, à recevoir des âmes, les recevoir en amies et repousser les âmes ennemies. Les « primitifs » peuvent avoir les têtes les plus humaines, les plus belles et les plus spirituelles, ils n’ont pas de visage et n’en ont pas besoin.

Et pour une raison simple. Le visage n’est pas un universel. Ce n’est même pas celui de l’homme blanc, c’est l’Homme blanc lui-même, avec ses larges joues blanches et le trou noir des yeux. Le visage, c’est le Christ. Le visage, c’est l’Européen type, ce qu’Ezra Pound appelait l’homme sensuel quelconque, bref l’Erotomane ordinaiare (les psychiatres du XIXe siècle avaient raison de dire que l’érotomanie, à la différence de la nymphomanie, restait souvent pure et chaste ; c’est qu’elle passe par le visage et la visagéification). Pas universel, mais facies totius universi. Jésus superstar : il invente la visagéification de tout le corps et la transmet partout (la Passion de Jeanne d’Arc, en gros plan).

Gilles Deleuze, Felix Guattari, Mille plateaux, Paris, Les éditions de minuit, 1980, pp. 216-217.

Possession expresses a direct relation between Voices and the body rather than a relation to the face. Shaman, warrior, and hunter organizations of power, fragile and precarious, are all the more spiritual by virtue of the fact that they operate through corporeality, animality, and vegetality. When we said earlier that the human head still belongs to the stratum of the organism, we obviously were not denying the existence of culture and society among these peoples; we were merely saying that these cultures’ and societies’ codes pertain to bodies, to the belonging of heads to bodies, to the ability of the body-head system to become and receive souls, and to receive them as friends while repulsing enemy souls. “Primitives” may have the most human of heads, the most beautiful and most spiritual, but they have no face and need none. The reason is simple. The face is not a universal. It is not even that of the white man; it is White Man himself, with his broad white cheeks and the black hole of his eyes. The face is Christ. The face is the typical European, what Ezra Pound called the average sensual man, in short, the ordinary everyday Erotomaniac (nineteenth-century psychiatrists were right to say that erotomania, unlike nymphomania, often remains pure and chaste; this is because it operates through the face and facialization). Not a universal, but fades totius universi. Jesus Christ superstar: he invented the facialization of the entire body and spread it everywhere (the Passion of Joan of Arc, in close-up).

Gilles Deleuze, Felix Guattari, A thousand plateaus, translation and foreword by Brian Massumi, University of Minnesota Press, Minneapolis, London, 1987, p. 197. (version PDF).

janvier 28, 2012

Odilon Redon, Tête de Christ, 51,5 x 37,8 cm, 1884-1885, Londres, The British Museum.

œil

janvier 20, 2012

Nous avions rencontré deux axes, de signifiance et de subjectivation. C’étaient deux sémiotiques très différentes, ou même deux strates. Mais la signifiance ne va pas sans un mur blanc sur lequel elle inscrit ses signes et ses redondances. La subjectivation ne va pas sans un trou noir où elle loge sa conscience, sa passion, ses redondances. Comme il n’y a que des sémiotiques mixtes, ou que les strates vont au moins par deux, on ne doit pas s’étonner du montage d’un dispositif très spécial à leur croisement. C’est pourtant curieux, un visage : système mur blanc-trou noir. Large visage aux joues blanches, visage de craie percé des yeux comme trou noir. Tête de clown, clown blanc, pierrot lunaire, ange de la mort, saint suaire. Le visage n’est pas une enveloppe extérieure à celui qui parle, qui pense ou qui ressent. La forme du signifiant dans le langage, ses unités mêmes resteraient indéterminées si l’auditeur éventuel ne guidait ses choix sur le visage de celui qui parle (« tiens, il a l’air en colère… », « il n’a pas pu dire cela… », «tu vois mon visage quand je te cause… », « regarde-moi bien…»). Un enfant, une femme, une mère de famille, un homme, un père, un chef, un instituteur, un policier ne parlent pas une langue en général, mais une langue dont les traits signifiants sont indexés sur des traits de visagéité spécifiques. Les visages ne sont pas d’abord individuels, ils définissent des zones de fréquence ou de probabilité, délimitent un champ qui neutralise d’avance les expressions et connexions rebelles aux significations conformes. De même la forme de la subjectivité, conscience ou passion, resterait absolument vide si les visages ne formaient des lieux de résonance qui sélectionnent le réel mental ou senti, le rendant d’avance conforme à une réalité dominante. Le visage est lui-même redondance. Et il fait lui-même redondance avec les redondances de signifiance ou de fréquence, comme avec celles de résonance ou de subjectivité. Le visage construit le mur dont le signifiant a besoin pour rebondir, il constitue le mur du signifiant, le cadre ou l’écran. Le visage creuse le trou dont la subjectivation a besoin pour percer, il constitue le trou noir de la subjectivité comme conscience ou passion, la caméra, le troisième œil.

Gilles Deleuze, Felix Guattari, Mille plateaux, Paris, Les éditions de minuit, 1980, pp. 205-206.

Earlier, we encountered two axes, signifiance and subjectification. We saw that they were two very different semiotic systems, or even two strata. Signifiance is never without a white wall upon which it inscribes its signs and redundancies. Subjectification is never without a black hole in which it lodges its consciousness, passion, and redundancies. Since all semiotics are mixed and strata come at least in twos, it should come as no surprise that a very special mechanism is situated at their intersection. Oddly enough, it is a face: the white wall/black hole system. A broad face with white cheeks, a chalk face with eyes cut in for a black hole. Clown head, white clown, moon-white mime, angel of death, Holy Shroud. The face is not an envelope exterior to the person who speaks, thinks, or feels. The form of the signifier in language, even its units, would remain indeterminate if the potential listener did not use the face of the speaker to guide his or her choices (“Hey, he seems angry …”; “He couldn’t say it…”; “You see my face when I’m talking to you …”; “look at me carefully…”). A child, woman, mother, man, father, boss, teacher, police officer, does not speak a general language but one whose signifying traits are indexed to specific faciality traits. Faces are not basically individual; they define zones of frequency or probability, delimit a field that neutralizes in advance any expressions or connections unamenable to the appropriate significations. Similarly, the form of subjectivity, whether consciousness or passion, would remain absolutely empty if faces did not form loci of resonance that select the sensed or mental reality and make it conform in advance to a dominant reality. The face itself is redundancy. It is itself in redundancy with the redundancies of signifiance or frequency, and those of resonance or subjectivity. The face constructs the wall that the signifier needs in order to bounce off of; it constitutes the wall of the signifier, the frame or screen. The face digs the hole that subjectification needs in order to break through; it constitutes the black hole of subjectivity as consciousness or passion, the camera, the third eye.

Gilles Deleuze, Felix Guattari, A thousand plateaus, translation and foreword by Brian Massumi, University of Minnesota Press, Minneapolis, London, 1987, pp. 188-189. (version PDF).

visage

janvier 19, 2012

Nous prouvons alors proposer la distinction suivante : le visage fait partie d’un système surface-trous, surface touée. Mais ce système ne doit surtout pas être confondu avec le système volume-cavité, propre au corps (proprioceptif). La tête est comprise dans le corps, mais pas le visage. Le visage est une surface : traits, lignes, rides du visage, visage long, carré, triangulaire, le visage est une carte, même s’il s’applique et s’enroule sur un volume, même s’il entoure et borde des cavités qui n’existent plus que comme trous. Même humaine, la tête n’est pas forcément un visage. Le visage ne se produit que lorsque la tête cesse de faire partie du corps, lorsqu’elle cesse d’être codée par le corps, lorsqu’elle cesse elle-même d’avoir un code corporel polyvoque multidimensionnel — lorsque le corps, tête comprise, se trouve décodé et doit être surcodé par quelque chose qu’on appellera Visage. Autant dire que la tête, tous les éléments volume-cavité de la tête, doivent être visagéifiés. Ils le seront par l’écran toué, par le mur blanc-trou noir, la machine abstraite qui va produire du visage.

Gilles Deleuze, Felix Guattari, Mille plateaux, Paris, Les éditions de minuit, 1980, p. 208.

We can now propose the following distinction: the face is part of a surface-holes, holey surface, system. This system should under no circumstances be confused with the volume-cavity system proper to the (proprioceptive) body. The head is included in the body, but the face is not. The face is a surface: facial traits, lines, wrinkles; long face, square face, triangular face; the face is a map, even when it is applied to and wraps a volume, even when it surrounds and borders cavities that are now no more than holes. The head, even the human head, is not necessarily a face. The face is produced only when the head ceases to be a part of the body, when it ceases to be coded by the body, when it ceases to have a multidimensional, polyvocal corporeal code—when the body, head included, has been decoded and has to be overcoded’by something we shall call the Face. This amounts to saying that the head, all the volume-cavity elements of the head, have to be facialized. What accomplishes this is the screen with holes, the white wall/black hole, the abstract machine producing faciality.

Gilles Deleuze, Felix Guattari, A thousand plateaus, translation and foreword by Brian Massumi, University of Minnesota Press, Minneapolis, London, 1987, p. 191. (version PDF).